J’aime lire la presse locale quand je voyage. Cuba publie deux quotidiens principaux : Granma, la voix du Parti communiste, et Juventud Rebelde, dans lequel on trouve le même type d’information, tourné vers un public jeune et amateur de culture. Les deux quotidiens sont propriétés d’Etat. Dans ce dernier journal, j’ai lu un article très révélateur, de mon point de vue, de la situation des médias à Cuba.
¿ Como hacer un reportaje en Coppelia ? (comment faire un reportage à Coppelia ?) racontait les déboires de deux journalistes cherchant à écrire un article sur le célébrissime glacier d’Etat. Ils souhaitaient recueillir les impressions et les récits des clients qui fréquentent cette institution de La Havane. En effet, Coppelia, notamment célèbre pour avoir été le lieu de tournage du film Fresa y chocolate, est très fréquenté des cubains, prêts à faire la queue durant un certain temps pour goûter aux généreuses coupes de glaces. Après une semaine de démarches demandant des autorisations à l’Union des entreprises du commerce et gastronomie, aux autorités locales et à d’autres organismes, après plusieurs rendez-vous où personne ne se présenta, ils abdiquèrent, racontant dans le journal, avec humour et agacement, leur périple orwellien.
Cet article est clairement une critique détournée de la politique d’Etat cubaine, de ses lenteurs, de son inertie, de ses dysfonctionnements, ainsi que d’une certaine forme de censure détournée qui en résulte. J’ai par ailleurs été étonné que l’on autorise la publication de cet article.
Il est clair que le gouvernement surveille ce que ses journalistes écrivent. Après tout, les journaux sont sa voie de communication. Les sujets sont triés, afin de servir sa politique. Durant mon séjour, par exemple, je n’ai pas lu un seul sujet sur l’élection présidentielle américaine, alors qu’elle allait se dérouler quelques semaines après.
Malgré ce contexte, on sent un réel travail journalistique derrière les articles de Granma et de Juventud Rebelde, comme le (non-)reportage ci-dessus l’illustre. Les professionnels cherchent à effectuer leur tâche au plus près de leur déontologie. La lecture de la presse cubaine en devient ainsi très intéressante, permettant de regarder le monde par la lorgnette du gouvernement de ce pays étonnant.
délicieux !